L’insomnie est le plus fréquent des troubles du sommeil et constitue le premier motif de consultation chez un professionnel de santé, spécialiste du sommeil. On estime aujourd’hui que environ un tiers des adultes signalent des symptômes d’insomnie soit presque 16 millions de français. Selon Santé Publique France en 2019, l’insomnie chronique touchait 13,1% des 18-75 ans ce qui en fait aujourd’hui un problème de santé publique car l’on connait de mieux en mieux les impacts de la dégradation de notre sommeil sur notre santé.
Qu'est ce que l'insomnie ?
Définition :
Il y a plusieurs manières de définir ce trouble du sommeil en fonction des référentiels proposés par des sociétés savantes qui définissent les modalités de diagnostic des pathologies car parler d’insomnie c’est parler d’une pathologie.
L’insomnie se définit comme la plainte subjective d’un mauvais sommeil. Une plainte prédominante d’insatisfaction par rapport à la quantité ou la qualité du sommeil, associée à un (ou plusieurs) des symptômes suivants :
- Difficulté à initier le sommeil.
- Difficulté à maintenir le sommeil, caractérisée par des réveils fréquents ou des problèmes à se rendormir après des réveils.
- Réveil matinal avec incapacité de se rendormir
Ces symptômes peuvent survenir seuls ou ensembles et évoluer tout au long de l’insomnie. Un retentissement négatif sur la qualité de la journée, tels la fatigue, l’irritabilité, des troubles de la mémoire, des troubles de l’humeur, des maux de têtes et des difficultés de concentration doit être associé à cette plainte de sommeil.
Il est important de comprendre que cette difficulté de sommeil se produit des conditions optimales de sommeil : la nuit, sans bruit, dans son lit…
L’insomnie est ce que l’on appelle un diagnostic d’exclusion, elle ne doit pas être confondu avec un autre trouble du sommeil (par exemple, la narcolepsie, l’apné du sommeil, un trouble veille-sommeil du rythme circadien, une parasomnie). Et pour finir l’insomnie ne doit pas être imputable aux effets physiologiques d’une substance (par exemple, une drogue, l’alcool ou un médicament).
Quand l’insomnie se répète dans le temps alors cela peut être le signe du passage de l’insomnie aigue ou transitoire à l’insomnie chronique. L’insomnie chronique se définit ainsi : doit se manifester au moins 3 nuits par semaine, depuis au moins 3 mois.
Actuellement, les scientifiques ne parviennent pas à expliquer de manière exhaustive l’origine ni les différents mécanismes de l’insomnie. Sans rentrer dans la complexité neurophysiologique et biologique, il existe de nombreux modèles prenant en compte les 3 phénomènes suivants :
- Une prédisposition : le fait d’être anxieux*, d’avoir des parents insomniaques, travailler en horaires décalés ou de nuit, l’âge…
- Un facteur déclenchant : la dette de sommeil, un rythme veille-sommeil irrégulier, la naissance d’un enfant, le deuil, la séparation, une pathologie, la prise d’un médicament un changement de vie ou d’environnement, un mauvais équilibre vie privée - vie professionnel, un temps d'exposition trop long aux écrans, ...
- Des facteurs d’entretien de l’insomnie : ce sont des stratégies inadaptées, une anxiété grandissante*, des ruminations, des pensées dysfonctionnelles, un temps plus important au lit, une mauvaise hygiène du sommeil. Exemple : « je vais trainer au lit plus longtemps ce matin pour me reposer et récupérer de ma mauvaise nuit »
Ces facteurs d’entretien ou perpétuant sont généralement la cause du passage de l’insomnie aigüe à l’insomnie chronique.
*Les troubles anxieux vont provoquer un hyperéveil, augmenter la vigilance et de ce fait vont favoriser et entretenir l’insomnie.
Les conséquences des insomnies
Les principales conséquences de l’insomnie sont la dégradation de la qualité de vie et de la vie professionnelle et un risque d’accidents accrue à cause de la somnolence diurne excessive.
L’insomnie conduit à une diminution du temps de sommeil et/ou à une dégradation de la qualité du sommeil. Ces 2 caractéristiques entraînent des conséquences négatives sur la qualité de vie et la vie professionnelle ainsi que sur l’humeur, la forme, la fatigue ressentis par le patient lorsqu’il est éveillé. Un risque de retrait social, de troubles psychologiques et de consommation excessive de produits et d’alcool peuvent exister également.
La somnolence excessive qui accompagne le manque de sommeil est un facteur prédictif important d’accidentologie. En effet, elle induit une baisse de la vigilance et accroit le risque d’accidents du travail et domestique.
Comment faire le diagnostic ?
La consultation médicale
Tout d’abord, comme pour tout problème de santé, la consultation chez le médecin est nécessaire et doit porter sur les aspects suivants :
L’ensemble des différentes phases du nycthémère :
– Difficulté à l’endormissement
– Difficulté à maintenir son réveil durant toute une nuit
– Problème de réveil précoce
– Etat de forme au réveil
– Fonctionnement durant la journée
– Sa durée (aigüe ou chronique)
– Son histoire et son évolution au temps de l’examen
– Les habitudes et l’hygiène du sommeil
– La prise de médicaments ou substances perturbant le sommeil
Les questionnaires d’orientation diagnostique
L’examen clinique doit permettre de faire le diagnostic de l’insomnie en excluant d’autres pathologies ayant les mêmes symptômes. On appelle cela le diagnostic différentiel. Pour cela, le médecin peut s’aider de nombreux questionnaires d’orientations diagnostiques (Syndrome d’apnées du sommeil, syndrome des jambes sans repos, dépression, anxiété…). Ces questionnaires sont accessibles et certains centres du sommeil ont développé leur propre questionnaire.
L’agenda du sommeil
L’agenda du sommeil est l’outil diagnostic le plus important pour isoler et identifier les insomnies.
Les heures de coucher et de lever, le temps estimatif de l’endormissent ainsi que les éveils durant la nuit doivent être indiquées quotidiennement pendant au moins une semaine. Ces informations permettent le calcul de paramètres du sommeil comme le temps total passé au lit et le temps dormi sur le temps total passé au lit. Le ratio de ces 2 paramètres est appelé efficacité du sommeil et doit être idéalement supérieur à 85%.
De plus, ces informations permettent au médecin de visualiser les habitudes de sommeil et de mettre en place une prise en charge adaptée.
L’actimétrie
L’actimétrie est un outil qui permet de connaître vos périodes de repos et d’activité durant une journée. Il peut être complémentaire d’un agenda de sommeil.
La polysomnographie
La polysomnographie n’a que peu d’intérêt pour le diagnostic de l’insomnie sauf dans le cas de l’insomnie paradoxale.
Quelle prise en charge ?
La prise en charge de l’insomnie repose sur les approches non-médicamenteuses et médicamenteuses.
Les approches non médicamenteuses
Depuis 20 ans, les techniques non-médicamenteuses ont une place privilégiée grâce à son efficacité et à cause des effets secondaires des médicaments hypnotiques existants.
La thérapie comportementale et cognitive
Depuis 20 ans, cette technique non-médicamenteuse a une place privilégiée grâce à son efficacité et en comparaison aux effets secondaires des médicaments hypnotiques existants. Les recommandations européennes placent la Thérapie Comportementale et Cognitive de l’Insomnie appelé plus communément TCCI comme le traitement de première ligne pour le trouble insomnie chronique chez l’adulte quel que soit son âge.
Les objectifs ce cette prise en charge :
• Transmettre les connaissances nécessaires sur les mécanismes de régulation du sommeil
• Modifier les croyances et pensées dysfonctionnelles concernant le sommeil et l’insomnie
• Eliminer les comportements défavorables au sommeil
• Acquérir les bonnes solutions d’hygiène de sommeil
Elle associe l’hygiène du sommeil, le contrôle du stimulus, la restriction de sommeil et la gestion des pensées dysfonctionnelles (restructuration cognitive)
L’hygiène du sommeil
Le respect de règles de base sur l’hygiène du sommeil a un intérêt par lui-même, notamment dans les cas plus légers d’insomnie ou lorsque la mauvaise hygiène du sommeil est la cause de l’insomnie.
La relaxation
La relaxation c’est l’ensemble des exercices qui permettent la détente physique et mentale en diminuant le tonus musculaire et en ralentissant la respiration. Ce ralentissement va entrainer une baisse de la tension artérielle, une modification des ondes cérébrales et un diminution de la synthèse des hormones du stress. La relaxation est indiquée quand la tension interne peut-être là ou une partie des causes de l’insomnie, et fait partie de la TCCI.
Les médicaments
De nombreux médicaments existent pour aider à mieux dormir et soulager les insomnies. Chacune des classes de ces médicaments ont des avantages et des inconvénients.
- Le zolpidem et la zopiclone sont des hypnotiques de références. Ils affectent peu l’architecture du sommeil et ont moins d’effets secondaires que les autres médicaments utilisés. De plus, ils ont une durée de demi-vie plus courte que les autres médicaments et ont donc moins d’effets résiduels sur la forme du lendemain.
- Les benzodiazépines sont des molécules largement prescrites avec une certaine efficacité. Néanmoins, elles affectent l’architecture du sommeil et dérèglent le temps des différents cycles du sommeil. Elles ont de plus un retentissement négatif sur la forme du lendemain et induisent une dépendance. Elles sont contre-indiquées en cas d’apnées du sommeil.
- La mélatonine peut également être une option thérapeutique dans des cas précis d’insomnie. La plupart de ces médicaments sont dangereux pour la conduite automobile. Il est donc conseillé de se reporter à la notice du médicament ou de demander conseil à votre pharmacien.
- L’approche combinée entre une approche non-médicamenteuse avec un médicament hypnotique peut également être proposée. Chacune des 2 approches ayant un intérêt à différents moment de la maladie.
- Il existe également des compléments alimentaires sommeil sans dépendance.
12 décembre 2023